Avec plus de 600 millions de personnes sans électricité et un développement économique qui crée des besoins croissants, l’Afrique est plus que jamais confrontée au défi de l’accès à l’énergie et bénéficie d’un alignement de planètes inégalé pour privilégier les énergies vertes.
Avec un parc électrique de 160 gigawatts et un taux d’accès à l’électricité inférieur à 50% (hors Afrique du Nord), le développement économique est « illusoire (…) si la consommation électrique cumulée de tous les pays de l’Afrique subsaharienne reste inférieure à celle d’un pays comme l’Espagne », résume à l’AFP Thierno Bocar Tall, PDG de la Société africaine des biocarburants et des énergies renouvelables (Saber).
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande d’énergie va tripler d’ici 2030 et nécessitera d’investir plus de 3.000 milliards de dollars d’ici 2035.
Aujourd’hui, la biomasse (bois et charbon de bois utilisés en foyers ouverts) représente près de la moitié de la consommation d’énergie du continent et l’électricité provient essentiellement du charbon (surtout en Afrique du sud) et de générateurs diesel ou fioul.
Mais la baisse des coûts des énergies renouvelables change la donne. « L’Afrique s’électrifie à une époque où les énergies renouvelables sont devenues efficaces et rentables, donc l’électrification se fera par la force des choses de manière plus propre », assure à l’AFP Philippe Bozier, directeur énergie et infrastructure en Afrique francophone chez PwC. Les pays de l’UEMOA (Afrique de l’ouest) visent par exemple 80% d’électricité verte en 2030.
Le continent bénéficie de ressources considérables, de l’éolien en Afrique du sud et au Maroc, du solaire et de l’hydroélectricité un peu partout et de la géothermie dans la région du Grand Rift.
Selon l’AIE, moins de 10% du potentiel hydraulique est exploité et l’éolien et le solaire restent marginaux. Mais le solaire « est en train de devenir la source de génération d’électricité la moins chère du monde », ce qui « bouscule la donne de manière incroyable en Afrique », explique à l’AFP Yasser Charafi, chargé d’affaires infrastructures au Sénégal de la SFI (Banque mondiale). De grandes centrales de plusieurs dizaines ou centaines de mégawatts se développent comme le projet Noor au Maroc ou une centrale de 300 MW en construction à Djibouti. 70 gigawatts pourraient être installés d’ici 2030, prévoit l’Agence internationale des énergies renouvelables.
Certains pays, comme le Rwanda, la Tanzanie et le Kénya encouragent aussi l’électricité hors-réseaux dans les territoires ruraux, explique Dario Traum, analyste en charge du projet Climatescope à Bloomberg New Energy Finance.
Cela passe par des kits associant de petits panneaux solaires pour alimenter quelques appareils domestiques ou des mini-réseaux, construits à partir d’une petite centrale couplée à une activité économique (serres, etc.) qui alimente aussi les habitations alentours.
« Cela va permettre dans les 5 à 10 ans qui viennent à des millions de personnes d’avoir accès à l’électricité », note M. Bozier.
Les renouvelables bénéficient aussi d’un meilleur accès au financement, même si des obstacles restent à lever.
Les grands bailleurs internationaux, quasi-incontournables, ont restreint leur soutien aux énergies fossiles. Des initiatives de coopération — le programme américain Power Africa, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), l’Alliance de la géothermie — sont nées, même si elles enregistrent peu d’avancées concrètes.
Des financiers privés sont présents, comme l’IPS (réseau de l’Aga Khan) et des fonds moyen-orientaux. Et les Chinois ont été impliqués dans 30% des nouvelles capacités installées entre 2010 et 2015 en Afrique subsaharienne, selon l’AIE.
En revanche, des cadres réglementaires instables, le manque de transparence et les lacunes dans la gestion du secteur électrique freinent les investissements.
Dans la plupart des pays, le secteur n’a pas trouvé son équilibre économique. « Les sociétés nationales d’électricité sont souvent déficitaires », explique M. Charafi, avec une difficulté à se faire payer par des populations précaires et peu satisfaites de la qualité du courant.
Toutefois, les besoins sont tels que le continent « ne peut pas être exclusif », avance Philippe Bozier. Le charbon n’est pas abandonné. La Côte d’Ivoire soutient un projet de 700 MW et la République Démocratique du Congo développe une centrale de plus de 1.000 mégawatts dans l’Etat de Kogi.
Pour « un gouvernement, la priorité c’est de fournir de l’énergie aux industries et à la population, surtout urbaine », résume Alexis Gazzo, associé chez EY, spécialiste des énergies renouvelables.
De récentes découvertes pétrolières et gazières seront également exploitées, comme au Sénégal ou au Nigeria.
Source : AFP