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Abdelatif Benachenhou au CREAD : Les plaies de l’économie algérienne mises en évidence

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Invité du Centre de Recherche en Économie Appliquée pour le Développement (CREAD) le professeur Abdelatif Benachenhou a pointé du doigt quelques insuffisances criardes qui tirent les performances productives de nos investissements vers le bas et menace l’économie algérienne dans son ensemble d’une irrémédiable déstructuration.

Dans le langage franc et tranchant qui lui est coutumier, l’économiste émérite et ex ministre des finances à qui l’on doit notamment la création du Fond de Recettes de Régulation (FRR) qui a évité à l’Algérie de sombrer comme le Vénézuela dans une brutale rupture de financement, cite entre autre attractivité du secteur des hydrocarbures, le mode de financement budgétivore du logement et les problèmes structurels de l’agriculture caractérisée par un excès de jachère et une fuite sans précédent vers les villes de la valeur ajoutée produite dans les campagnes.

Il évoque également l’inégalité territoriale forte et croissante qui déstabilise la nation en entraînant notamment des déplacements considérables de populations. Entre 40 et 45 % des subventions publiques profitent à seulement 4 wilayas du centre du pays (Alger, Tipaza, Blida, Tizi Ouzou) où vit à peine 12% de la population algérienne, ce qui revient à dire que 45% des subventions de l’État ne profite en réalité qu’à ces 12% de notre population agglutinée dans ces quatre wilayas du centre.

Ce n’est pas normal et l’Algérie ne peut pas continuer à fonctionner ainsi, a martelé Abdelatif Benachenhou pour attirer l’attention de l’auditoire sur l’acuité du problème. Il y a des territoires entiers dont la valorisation des ressources ne se fait pas, car la ressource centrale a étouffé la ressource locale. Les communes, empêchées de se développer au moyen de leurs propres ressources, sont toutes suspendues au budget de l’État géré, comme on le sait, de manière bureaucratique et clientéliste.

Les politiques financières émaillées de décisions intempestives ont par ailleurs créé de très sérieux problèmes de liquidités au marché bancaire qui éprouve aujourd’hui déjà des difficultés à financer le développement et si l’État continue comme il le fait à ponctionner dans les ressources bancaires, il y a risque d’aller encore plus gravement vers un déséquilibre global dont souffriront surtout les entreprises.

Pour s’en sortir il faudrait, selon le professeur Benachenhou, que l’Algérie change d’approche en matière économique et financière en passant du financement par le budget comme en sont habitués nos gouvernants, au mode de financement par le marché, en faisant appel à toute la panoplie d’offres de capitaux qui conviennent à notre économie.

Il faut prendre conscience que le contexte international sera de plus en plus difficile et on ne verra pas de changement dans les années avenir a tenu à souligner Abdelatif Benachenhou. Il faut savoir que le prix du Gaz n’est que de 3 dollars et il peut même passer à 2 dollars seulement, car les stocks disponibles et à venir sont tout simplement colossaux prévient il. A titre d’exemple, l’Australie va, à elle seule, mettre prochainement sur la marché plus de 90 milliards de m3, soit un peu plus que la totalité de la production algérienne.  

Il est temps d’entamer des ajustements budgétaires pour laisser un plus de place au financement de l’économie au moyen du marché en cherchant les capitaux aux conditions économiques et financières négociés avec les acteurs privés concernés. Ces ajustements budgétaires sérieusement négociés doivent être pluriannuels,progressifs et sectoriellement ciblés. Il faudra désormais compter beaucoup plus sur la productivité que sur l’investissement, a souligné avec force le conférencier comme pour rappeler que le temps de l’investissement facile est bel et bien révolu du fait du déclin durable des recettes d’hydrocarbures.

Une affirmation du reste confirmée par la coupe drastique dans le budget d’équipement qu’a décidé d’effectuer le gouvernement dans le projet de loi de finance pour l’année 2017.    

Si on veut de la croissance il faudra, par conséquent, augmenter la productivité des investissements, en commençant d’abord par le secteur des hydrocarbures qui a bénéficié d’investissements colossaux et où existeraient, selon Abdelatif benachenhou, d’énormes manques à gagner en productivité.

Le gouvernement compte bien baisser les dépenses budgétaires mais en agissant seulement sur les dépenses d’équipement, celles relatives au fonctionnement qui représente 18% du PIB (les plus importantes du monde) étant non seulement incompressibles mais en constante augmentation.

Abdelatif Benachenhou évoque également le manque de productivité qui affecte les investissements réalisés au cours de ces quinze dernières années. Pourquoi réaliser le nouveau port de Ténes, affirme t -il quand on sait qu’aucun de nos nombreux ports ne fonctionne avec de bonnes performance productives. La ou on peut pas faire de la productivité il ne faut surtout pas faire de l’investissement c’est un principe sacrosaint en sciences économiques a affirmé, à juste titre, le conférencier.

Autre problème de taille soulevé par le professeur Benachenhou, celui de la construction des marchés avec entrée libre dans la branche et exercice d’une réelle concurrence.

Construire des marchés c’est faire de sorte que seuls les meilleurs puissent y accéder. La plupart des marchés algériens, y compris, celui des hydrocarbures et des banques sont actuellement déconstruits au point que la productivité est compromise.

Comment voulez que les valeurs ajoutées réalisées dans l’agriculture restent dans les campagnes si les rentes agricoles sont, comme c’est actuellement le cas, accaparées par des acteurs informels qui les font fuir vers les villes et, dans certains cas, à l’étranger? Il n’y  a pas d économie de marché sans marchés construits et il se trouve que la plupart des marchés algériens sont déconstruits a tenu à souligner le conférencier, qui insiste sur l’urgence de commencer à travailler à la construction de ces marchés, à défaut desquels, l’économie algérienne demeurera archaïque et constamment tirée vers le bas.  

Pour s’en sortir il y a lieu, conclut-il,  d’aller rapidement vers un nouveau contrat social résultant d’un consensus entre tous les acteurs économique et sociaux opérant en Algérie. A défaut, le pays courre le risque bien réel de sombrer dans d’inextricables problèmes de récession économique et de pics inflationnistes en mesure de porter atteinte à la cohésion sociale.

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