Au cours de la dernière décennie, le Brésil est passé de géant latino-américain en plein essor à pays plongé dans la pire crise économique et politique de son histoire récente, aggravée par un vaste scandale de corruption.
Après la trêve olympique du 5 au 22 août, le Brésil revient à sa dure réalité : le dernier acte de la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff qui pourrait mettre fin dans quelques jours à 13 ans de la gauche au pouvoir.
Comment le pays en est-il arrivé là ?
L’arrivée au pouvoir d’un ouvrier à la tête de la première économie d’Amérique latine en 2003 inaugurait une ère mythique dans la politique brésilienne : le fondateur du Parti des Travailleurs (PT-gauche) Luiz Inacio Lula da Silva promettait de gouverner pour les pauvres.
Lors de ses deux mandats, Lula a sorti 40 millions de Brésiliens de la misère grâce à ses programmes sociaux, profitant du boom du prix des matières premières qui ont fait croître le Brésil de 7,5% en 2010 et porté l’emploi à des niveaux record. Lula quittera le pouvoir avec une popularité record de 87%, faisant élire sa dauphine Dilma Rousseff.
La découverte en 2007 des immenses gisements de pétrole pré-salifères renforce l’importance du Brésil sur l’échiquier international et cette bonne séquence jouera en sa faveur pour décrocher les JO de Rio-2016.
Mais le modèle de croissance fondé sur la consommation interne va rapidement montrer ses limites avec le ralentissement économique de la Chine et la chute du prix des matières premières, pétrole inclus. Allaient suivre quatre années de piètre croissance.
« La crise internationale, l’épuisement du marché interne, le recul de la demande externe pour les matières premières et une crise politique profonde: tout cela a conduit à l’explosion populaire en 2013 », résume Ricardo Antunes à l’AFP, sociologue à l’Université de Campinas.
En pleine Coupe des Confédérations, des millions de Brésiliens ont investi les rues pour exprimer leur mécontentement face à leur perte de pouvoir d’achat, pour réclamer de meilleurs services publics plutôt que la construction de stades pour le Mondial de foot 2014; un signal d’alarme que les mouvements sociaux accusent Mme Rousseff d’avoir ignoré.
Quand le pays est entré en récession au deuxième trimestre 2015, les agences de notation ont relégué le pays à la catégorie spéculative, le PIB a reculé de 3,8%, le chômage a grimpé à 9% et l’inflation à 10,67%: les pires résultats en 30 ans.
En marge de la crise économique le PT n’a pas su capitaliser les 87% de taux d’approbation de Lula à son départ.
En 2014, Dilma Rousseff est réélue de justesse sur la promesse de relancer la croissance mais elle met en place un dur ajustement budgétaire critiqué par la gauche et boycotté par le parlement où ses opposants commencent à envisager une procédure de destitution.
« Il y a eu un déplacement du pouvoir des secteurs progressifs aux conservateurs. C’est également la faute de Lula et Dilma qui ont fait des alliances avec ces secteurs au détriment des plus progressistes », a expliqué à l’AFP le sénateur Roberto Requiao du PMDB (centre droit).
Le vice-président de Mme Rousseff, Michel Temer -chef de file du PMDB principal parti allié jusque là- « a alors vu l’occasion d’arriver au pouvoir » et a précipité la rupture du PMDB avec le PT.
C’était le début de la débandade des alliés de Dilma Rousseff.
Vaste réseau de pots-de-vin au coeur de la compagnie publique Petrobras, détournement de deux milliards de dollars en 10 ans.
En toile de fond de cette crise politique éclate le plus grand scandale de corruption de l’histoire du Brésil: un vaste réseau de pots-de-vin monté au sein de la compagnie publique Petrobras qui a détourné deux milliards de dollars en dix ans au bénéfice des poches d’hommes politiques, d’entrepreneurs et directeurs de la compagnie.
« Comme en 2005 avec le scandale ‘mensalao’ (l’achat de vote au parlement par le PT) la corruption à Petrobras a montré que le gouvernement de Lula et de Dilma avaient non seulement un ensemble de partis alliés profondément impliqués dans la corruption politique mais que le PT lui-même était impliqué », conclut M. Antunes.
Source : AFP