L’Allemagne a émis mercredi de la dette à 10 ans à taux négatif, une première qui s’inscrit dans un contexte de recul continu des taux d’emprunt et reflète la nervosité des investisseurs.
Sur fond de Brexit, de difficultés des banques italiennes et de marchés financiers en dents de scie, la dette allemande fait plus que jamais figure de refuge, et son attrait fait que les investisseurs sont prêts à payer des intérêts pour la détenir – et non pas se faire rémunérer.
L’Agence financière allemande, qui émet et gère la dette de la première économie européenne, proposait mercredi 5 milliards d’euros d’un nouveau Bund, du nom de la dette allemande à 10 ans, à échéance août 2026 et avec un coupon à zéro, une première. Elle en a vendu pour plus de 4 milliards d’euros, assortie d’un taux de -0,05%.
La demande a été au rendez-vous, mais sans excès: la Bundesbank, qui conduit les enchères, a recueilli 4,783 milliards d’offres de la part de 29 banques, et placé pour 4,038 milliards de titres, selon un communiqué. Comme il est d’usage, l’Agence financière garde une partie du total, 962 millions d’euros cette fois-ci, pour intervenir elle-même sur le marché secondaire.
« Depuis le début de la semaine l’aversion pour le risque sur les marchés financiers s’est un peu apaisée », faisait valoir Ralf Umlauf, analyste obligataire de la banque Helaba. Ce qui explique que, même si le résultat de l’opération est honorable, ça n’ait pas été la ruée sur les titres allemands.
Le Bund, référence sur le marché obligataire, s’échange depuis déjà mi-juin à des taux négatifs sur le marché secondaire. C’est la première fois toutefois que les investisseurs paient un intérêt pour en détenir sur le marché primaire. Ils l’ont déjà fait ces derniers temps pour des titres allemands de maturité inférieure, à six mois, deux ans et même cinq ans.
L’Allemagne est l’un des seuls trois pays en zone euro, et six dans l’Union européenne, à être encore notés « AAA » par les agences de notation qui font référence. Cette note, la meilleure possible, est un gage de solvabilité, et permet au pays de s’endetter à des coûts très bas.
Les taux négatifs, longtemps considérés comme une aberration économique, font maintenant partie du quotidien du secteur financier en Europe. Outre ceux qui sévissent sur les marchés obligataires, ils sont la norme aussi pour les banques qui stockent leur argent auprès de la Banque centrale européenne (BCE) au jour le jour. La baisse du loyer de l’argent est un élément central d’une politique monétaire expansionniste destinée à faire repartir croissance et inflation.
Pour les caisses publiques allemandes, cette évolution est une aubaine: elle lui a permis de réduire sa charge d’intérêts d’environ 20 milliards d’euros par an entre 2008 (plus de 40 mds) et 2015 (21 mds). Et elle a été un facteur essentiel dans la présentation par Wolfgang Schäuble dès 2014, un an avant l’échéance prévue, d’un budget fédéral à l’équilibre, pour la première fois depuis 1969.
Source: AFP