A peine réinstallée dans ses habits de patronne du FMI, Christine Lagarde se retrouve de nouveau plongée dans une nouvelle zone de fortes turbulences économiques provoquées cette fois par le choc du vote sur le Brexit.
Dans un entretien exclusif accordé à l’AFP, l’ancienne ministre de l’Economie française ne cache pas ses craintes liées au vote britannique pour une sortie de l’UE, qu’elle attribue en partie à un « désenchantement » citoyen. Mais elle se refuse à tout catastrophisme malgré le dévissage des marchés.
Une nouvelle récession mondiale est peu probable malgré les fortes turbulences créées par le vote sur le Brexit , a assuré la patronne du FMI.
Le vote britannique en faveur d’une sortie de l’UE révèle par ailleurs un certain « désenchantement » citoyen qui doit pousser l’Union européenne à être plus « claire » et plus « transparente », a affirmé Mme Lagarde « C’est une des principales sources de risques pour le moment mais nous ne pensons pas qu’une récession mondiale soit très probable », résume celle qui a entamé mardi un deuxième mandat de cinq ans à la tête du Fonds monétaire international.
Selon elle, la priorité absolue pour les Européens et les Britanniques est de s’entendre au plus vite sur un « calendrier » et une procédure de séparation à l’amiable et sans heurts. « Le mot clé dans cette affaire de Brexit est l’incertitude et plus cette incertitude va durer plus le risque sera grand », estime la dirigeante.
Après un premier mandat dominé par la crise de la dette en zone euro, la toute récente sexagénaire sait trop combien l’incertitude peut déboussoler les marchés et faire basculer une économie mondiale déjà à la peine.
C’est également dans ces moments de flottement que les pays sont tentés de remiser à plus tard la solidarité pour jouer leur partition en solo.
Dernière illustration: le souhait affiché par Londres de baisser son impôt sur les sociétés pour retenir les entreprises sur son sol. Paris a promis d’en faire de même, Berlin a fait grise mine.
« Le problème avec le nivellement par le bas c’est qu’on finit par se retrouver avec rien », estime celle qui a pris les rênes du FMI en juillet 2011. « Il serait préférable d’éviter une course à la compétition sur l’impôt sur les sociétés », ajoute-t-elle.
Mme Lagarde en est également persuadée: l’UE ne pourra pas faire l’économie d’un effort de « transparence » pour se rapprocher de citoyens rebutés par sa complexité.
« L’UE doit faire beaucoup plus pour expliquer de manière plus transparente ce qu’elle fait, ce que cela signifie pour la population, les coûts et bénéfices de son action », a assuré cette grande habituée des raouts européens.
La tâche s’annonce herculéenne mais Mme Lagarde reste optimiste: selon elle, le Brexit pourrait être un « catalyseur » conduisant paradoxalement les Européens à approfondir leur union. Sa carapace s’est, il est vrai, renforcée après avoir dû défendre l’action du FMI en zone euro où celui-ci a accordé des prêts massifs à quatre pays en échange de sévères et controversées cures d’austérité.
La Grèce n’en est d’ailleurs pas encore sortie malgré deux plans de renflouement menés par le FMI conjointement avec les Européens et durement critiqués par Athènes.
Le Fonds, qui doit dire bientôt s’il participe financièrement à un troisième plan d’aide, a été un « bouc émissaire très pratique », rétorque Mme Lagarde même si elle admet que son institution n’est pas exempte de tout reproche.
C’est d’ailleurs une des priorités de son mandat: changer le visage d’une institution habituée à jouer les « méchants » gardiens de l’orthodoxie budgétaire. « Même quand nous devons jouer les méchants, nous devons également être sensibles et avoir une dimension humaine », résume Mme Lagarde.
Selon sa dirigeante, le FMI doit ainsi davantage s’attaquer aux failles de la mondialisation économique et de la phénoménale accélération des échanges sur le globe.
« La mondialisation a fait beaucoup de bonnes choses et a sorti de nombreuses personnes de la pauvreté mais elle a également produit des perdants dont l’emploi a été transféré vers des lieux de production moins coûteux », a assuré Mme Lagarde.
Selon elle, le FMI peut aider ces populations en accordant plus d’attention aux « inégalités excessives, à la place des femmes, le changement climatique ou la corruption » et en s’assurant de la solidité des « filets de sécurité sociaux ».
Ce changement d’approche peut permettre de conduire à une mondialisation « acceptable », qui ne ferait pas qu’augmenter le produit intérieur brut (PIB) mais permettrait de « prendre soin de ceux qui risquent d’en sortir perdants ».
Mais il implique de changer les mentalités dans une institution par essence tournée vers les sciences dures.
Source : AFP