Le lancement le 17 avril dernier de l’emprunt obligataire national n’a glané que 251 milliards de Da en trois mois, alors que presque les 2/3 de ce montant ont été collectés en une soirée par le FCE suite à une campagne de sensibilisation soutenue auprès de ses adhérents.
Si les souscriptions sont de loin un placement des plus rémunérés et avantageux qui soient, en plus d’être estampé de la garantie de l’Etat, il n’en demeure pas moins qu’un tel placement pour lequel on accourrait quand on veut faire prospérer son pécule sous d’autres cieux, ne semble pas attirer les foules.
Une faillite qui s’adjoint à d’autres faillites en matière de communication dans laquelle nos gouvernants s’illustrent lamentablement en maitres incontestés. L’ancien ministre Abderrahmane Benkhalfa, limogé, selon les observateurs avisés pour ces tribulations financières et ses prises de décisions à l’emporte-pièce a lancé le dispositif sans étude préalable et en simultané avec l’opération de bancarisation des fonds informels appelée programme de mise en conformité fiscale volontaire qui n’a d’ailleurs drainé que quelques milliards de Da comparativement à la somme faramineuse qui circule hors-circuit et loin de tout contrôle.
L’opération de l’emprunt national fonctionne au ralenti en dépit de l’émission d’un titre d’une valeur réduite pour les petits épargnants ainsi qu’un titre au porteur pour les tenants de l’informel qui veulent rester anonymes tout en ayant le droit d’accès à la sphère légale par le truchement de ce dispositif. Ce qui semble incompréhensible vu tous ces avantages qui devraient inciter le plus réfractaire à faire le saut. Comme à l’accoutumé, les canaux de la communication sont cloués au pilori car ils demeurent verrouillés et le manque de volonté à faire circuler l’information reste l’éternel talon d’Achille du gouvernement.
L’ex-ministre des finances qui a piloté l’opération n’a pas bien mesuré l’impact de la communication dans la réussite de cette initiative en confiant ce volet déterminant à une simple entreprise spécialisée dans l’affichage sans tenir compte de la communication qui doit être réfléchie, coordonnée et planifiée par une expertise et une stratégie adéquate, définissant les objectifs à atteindre , les cibles à toucher et le message à concevoir .Mais force est de constater que la politique de communication du gouvernement est un cautère sur une jambe de bois, incapable de convaincre et d’inspirer la confiance même quand il s’agit d’une bonne action d’intérêt général, laissant libre court à la suspicion et le doute se faufiler durablement dans les esprits.
Beaucoup de citoyens pensent que l’emprunt obligataire est une « arnaque » tellement la confiance est ébranlée et le contact rompu entre les gouvernants et les gouvernés alors que le dispositif, sans complaisance, est une perche de salut pour l’économie nationale et pour tous ceux qui veulent faire fructifier leurs avoirs. Cependant l’attitude des citoyens est somme toute légitime quand on voit le gouvernement adopter la politique de l’autruche en restant très évasif sur le montant plafonné et la destination pour laquelle, il sera alloué alors que dans d’autres pays on identifie les projets avant de lancer l’emprunt dans une totale transparence. Ce qui permet au souscripteur de connaitre la direction que prend son argent et d’apprécier en toute sérénité, la rentabilité de son placement.
L’implication du FCE s’apparente à cette corde de sauvetage aquatique qu’on tend à un naufragé pour l’empêcher de couler. Si d’aucuns s’interrogent sur cette offensive du conglomérat des chefs d’entreprises, qui vient à la rescousse d’un gouvernement vautré dans le confort de sa léthargie, le patronat l’explique par le fait que « l’emprunt national figure parmi les propositions phare du plaidoyer remis aux autorités voilà maintenant une Année ».
Mais alors sommes-nous tentés de nous interroger, pourquoi le gouvernement a-t-il attendu tout ce temps pour lancer le dispositif ? Celui-ci aurait pu résoudre moult problèmes ne serait-ce que d’éviter que des projets tombent à l’arrêt faute de financement car si on s’y était pris à temps, on ne serait pas dans cette situation inextricable et on aurait pu utiliser la manne récoltée auprès des épargnants pour les mener à terme du moins une partie. Il est loisible de dire que le gouvernement habitué à dépenser sans retenue une rente providentielle espérait sans doute un retournement rapide et bénéfique du marché pétrolier alors que tout indiquait et cela se confirme au fil du temps, que la baisse des prix de l’or noir est plus structurelle que conjoncturelle et que tout le système nécessite une refonte profonde.
Le montant de 150 milliards de dinars que vient de lever le FCE est certes important mais que représente-t-il devant les 40 milliards de dollars qui circulent dans la sphère de l’informel.
Des fonds conséquents qu’on a tout intérêt à capter pour redresser la situation économique qui va à vau-l’eau. Mais faut-il encore avoir une stratégie et une vision qui projette le pays au-delà d’un mandat politique ou d’un quinquennat.
Fatma Haouari