L’entrée inattendue cette semaine de l’Arabie saoudite au capital de Uber à hauteur de 3,5 milliards de dollars augure d’une politique d’investissements plus agressive de la part du royaume qui cherche à réduire sa dépendance au pétrole. Les experts s’attendent à de nouvelles annonces après celle, mercredi, de l’entrée du fonds souverain saoudien, Public Investment Fund (PIF), dans la société américaine de réservation mobile de voiture avec chauffeur. « Comme beaucoup d’autres, j’ai été pris de court par cet investissement massif dans Uber », indique à l’AFP Michael Maduell, président du Sovereign Wealth Fund Institute, basé aux Etats-Unis et spécialisé dans l’étude des fonds d’investissements publics. « Cela annonce au monde que l’Arabie saoudite va être un acteur important pour les investissements à venir réalisés par les fonds souverains », ajoute-t-il.
L’initiative du PIF intervient à peine six semaines après la présentation par le vice-prince héritier Mohammed ben Salmane de l’ambitieux plan « Vision 2030 » visant à diversifier l’économie saoudienne qui dépend à 70% des recettes pétrolières. Ce plan prévoit de faire du PIF le plus grand fonds souverain au monde doté de 2.000 milliards de dollars, que doivent générer la vente de biens immobiliers publics et la cession pour quelque 100 milliards de dollars de moins de 5% du géant pétrolier Saudi Aramco. Les bénéfices à tirer de ce fonds d’investissement devront aider à trouver une alternative aux recettes pétrolières, qui ont baissé de moitié depuis 2014 sous l’effet de la chute des prix du brut.
Le directeur-général du PIF, Yasir Al Rumayyan, a clairement indiqué que « l’important investissement stratégique » dans Uber s’inscrivait dans le cadre de « Vision 2030 ». Pour les promoteurs de ce plan, « le PIF ne va pas concurrencer le secteur privé mais doit, au contraire, aider à lui ouvrir des secteurs stratégiques ». Il s’agit ainsi de « développer des secteurs économiques nouveaux » en investissant dans « de grandes firmes internationales » et dans « les nouvelles technologies ». Pour M. Maduell, le PIF pourrait aussi chercher à se rapprocher d’entreprises industrielles américaines pour développer l’industrie manufacturière dans le royaume, et, parallèlement, à s’impliquer dans des sociétés de capital-risque. « Je vois le PIF à l’affût pour opérer des investissements stratégiques dans de grandes compagnies afin de créer davantage d’emplois et favoriser la diversification et la prospérité dans le pays », explique cet expert.
Avec cette nouvelle approche le gouvernement « suit l’exemple du prince Al-Walid », souligne un diplomate européen en poste à Ryad. La compagnie Kingdon Holding du richissime homme d’affaires Al-Walid ben Talal possède des intérêts dans des entreprises aussi diverses que Euro Disney, la chaîne hôtelière Four Seasons, le groupe de presse News Corporation et la banque Citigroup. Elle est aussi devenue fin 2015 le deuxième plus important actionnaire dans Twitter et a investi plus de 100 millions de dollars dans Lyft, le rival américain de Uber.
Pour l’économiste Christopher Dembik de Saxo Bank, le PIF s’adapte aux transformations en cours dans le royaume, engagé dans une stratégie de diversification qui n’est pas particulièrement risquée. Les nouvelles plateformes de l’économie collaborative comme Uber offre des opportunités de croissance significatives, selon lui.
D’autres cibles potentielles pour le PIF pourraient être Airbnb, la plateforme de l’hébergement, ou encore les statups financières « fintech », cotées aux Etats-Unis et spécialisées dans la gestion en ligne. « Il s’agit certes d’un choix stratégique important de la part l’Arabie saoudite mais dont la portée ne doit pas être exagérée », tempère M. Dembik, en estimant que le PIF n’allait pas abandonner les secteurs traditionnels d’investissements comme l’immobilier.
Avant Uber, premier grand investissement à l’étranger depuis l’annonce de Vision 2030, le PIF avait acquis en 2015 une participation de 38% dans la firme d’ingénierie sud-coréenne Posco pour 1,1 milliard de dollars.
AFP