La Russie s’est félicitée mercredi d’avoir enregistré une demande quatre fois supérieure à l’offre pour son premier emprunt en dollars depuis l’introduction de sanctions occidentales, même si certains analystes doutent du réel succès de cette opération après la mise en garde des États-Unis. « L’émission a été un succès, le montant des propositions a nettement dépassé la somme que nous souhaitions emprunter », a déclaré le ministre des Finances Anton Silouanov, cité par les agences russes.
Selon le résultat de cette première émission de dette publique sur les marchés internationaux depuis septembre 2013, l’Etat russe a levé 1,75 milliard de dollars en titres sur dix ans à un taux de 4,75%, soit un peu plus de la moitié des 3 milliards de dollars permis par le budget pour cette année.
Sur cette somme, les investisseurs étrangers représentent environ 1,2 milliard de dollars et les banques russes 550 millions, mais le total des offres reçues par le ministère représentait sept milliards de dollars, soit quatre fois plus que le montant retenu, a précisé M. Silouanov.
Selon lui, cette somme est « suffisante » à l’heure actuelle, car si le budget souffre de la crise et de la chute des revenus pétroliers, « il n’y a pas de besoin particulier de devises étrangères ». « Nous voulions simplement faire acte de présence sur le marché pour que les investisseurs ne nous oublient pas », a-t-il expliqué.
Le ministre s’était félicité dès mardi soir du résultat de cette opération test, qui « malgré la pression exercée en coulisse sur certains participants des marchés financiers internationaux, (…) a démontré le fort niveau de confiance envers la Russie comme emprunteur ».
Les sources bancaires interrogées par les médias avaient rapporté que les investisseurs étrangers étaient restés à l’écart de l’opération pendant les premières heures, forçant les autorités russes à la prolonger d’une journée pour les convaincre.
Cette levée obligataire se déroule alors que l’économie russe reste visée par des sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne. Ce régime pousse les investisseurs à la méfiance vis-à-vis des entreprises russes même non sanctionnées, de peur qu’indirectement les fonds ne finissent dans des secteurs ou entités sur liste noire américaine ou européenne.
Les banques occidentales sollicitées avaient refusé d’organiser l’opération, finalement confiée à l’établissement russe VTB Capital.
Les États-Unis avaient déconseillé aux firmes américaines de participer, le porte-parole du département d’État Mark Toner soulignant encore mardi les « risques, à la fois économiques et en termes de réputation ».
Silouanov a dénoncé « une pression sans précédent » exercée par « l’administration américaine » sur la chambre de compensation Euroclear, qui n’a pas participé à l’opération.
Malgré la forte demande apparente, certains économistes se montraient circonspects face au résultat, relevant que le montant levé (1,75 milliard de dollars) était inférieur au total permis par le budget (3 milliards).
Pour Natalia Orlova, économiste à Alfa Bank, cela « suggère qu’un placement plus important aurait été plus coûteux ». « La deuxième et principale source d’inquiétude, c’est la qualité des investisseurs », a-t-elle ajouté.
Une source de marché anonyme interrogée par le journal Vedomosti estime ainsi que la longue durée de la prise en compte des offres des investisseurs a pu permettre à des participants russes de transférer leurs fonds hors de Russie, pour apparaître formellement étrangers.
Une source bancaire interrogée par le même quotidien estime que la demande a pu être « gonflée », certains investisseurs proposant plus que désiré pour faire jouer la concurrence et obtenir de meilleures conditions avant de réduire leur offre.
AFP