Le forum d’affaires Algérie-UE sur l’énergie s’est tenu aujourd’hui à l’Hôtel El Aurassi avec la participation d’hommes d’affaires algériens et européens pour discuter des opportunités de partenariats dans le secteur de l’énergie. Cependant si la question des énergies renouvelables devait être au centre des débats, elle a été quasiment survolée, ce sont surtout les prix du Gaz et la demande récurrente pour leur baisse qui ont eu la part du lion dans les interventions côté européen et notamment français, donnant lieu à une véritable épreuve de force conduite pratiquement de front. C’est en marge du forum lors d’une conférence de presse tenue conjointement par le ministre de l’énergie Salah khebri et le commissaire de la commission européenne pour l’action pour le climat et l’énergie de l’Union européenne, Miguel Arias Canete que le ministre algérien a recadré le débat en insistant sur des partenariats entre les entreprises privées nationales et étrangères à qui incombe la responsabilité d’investir dans le secteur énergétique renouvelable avec des avantages très incitatifs. Le représentant européen en ouvrant le bal du forum dira que « les nouvelles technologies ont ouvert la porte à de nouvelles ressources. De nombreux producteurs sont d’ailleurs entrés sur le marché pour en profiter et d’autres s’y apprêtent. Nous prévoyons que la production mondiale de GNL augmentera de 50% au cours de cette décennie ». Et de surenchérir « l’Algérie devra attirer de nouveaux investissements si elle veut maintenir ses exportations vers l’UE sur le long terme » en ajoutant que « récemment des appels d’offres (lancés par l’Algérie) pour de nouveaux investissements ont été infructueux, ce qui est préoccupant. Si la situation perdurait à long terme, la position de l’Algérie comme premier fournisseur de gaz pourrait être compromise ». Voilà un message qui ne souffre pas d’ambigüité et qui semble mettre au défi, notre pays qui risque d’être mis à genoux si les autorités n’agissent pas très vite ».
La France opère en douce par l’entremise de la société ENGIE
Durant la conférence de presse, plusieurs questions ont été posées notamment celle soulevée par l’intervention du vice-président de la société française, ENGIE, Pierre Chareyre (troisième plus grand groupe mondial dans le secteur de l’énergie en 2015. Son principal actionnaire est l’État français qui détient un tiers du capital) a demandé la révision de cette forme de contrats à longs terme qui « ne sont plus compétitifs sur le marché en ajoutant qu’ « il est important de ne plus indexer les prix du gaz sur ceux de pétrole, pour une meilleure intégration du gaz algérien sur le marché européen », le ministre a eu une réponse cinglante. Il a rétorqué que « pour développer une chaine gazière cela demande des volumes d’investissement colossaux et ces volumes requièrent des financements et il n ya que les établissements financiers qui peuvent le faire. On ne peut pas vendre au prix spot, a-t-il déclaré en ajoutant que « le vice-président d’ENGIE est le représentant d’une entreprise qui a pourtant une double casquette. C’est un grand acheteur de gaz , l’ ex-GDF Suez, mais s’il est mis dans l’upstream récemment. Si GDF accepte de développer une chaine gazière à court terme, nous sommes preneurs, s’il oublie sa casquette d’acheteur d’abord . Les banques demandent des garanties et des contrats à long terme, si vous trouvez qui n’exigent pas ces conditions, il n ya pas de souci». La réplique du ministre est bien entendu ironique ayant compris le jeu trouble auquel s’adonne cette société, cheval de Troie de l’Hexagone dans ce forum.
L’Etat mise sur le privé
Pour le ministre Salah khebri, « les séances des B2B et les accords qui vont se concrétiser sont d’une importance capitale. On s’attend à ce que soit lancé une vraie dynamique « .Pour nous les énergies renouvelables sont une nécessité, a-t-il indiqué, nous avons bâti notre système énergétique sur les hydrocarbures qui jouent également un rôle important dans le financement du développement de l’économie nationale. Nous ne pouvons pas continuer à avoir toute notre électricité basée sur le Gaz et un peu de diesel dans le Sud. Il faut diversifier notre ressource énergétique, compte tenu des immenses gisements de solaire dont dispose le pays, il ne serait pas normal de ne pas l’exploiter. Nous disposons du cadre légal qui permet à tous les investisseurs d’appréhender et de déterminer le climat des affaires dans lequel ils vont exercer. En même temps nous allons mesurer l’étendue de ce potentiel solaire et éolien ». En ajoutant « nous avons mis en œuvre les premières centrales solaires et éoliennes. A la fin de l’été nous aurons 368 mégawatts. Le programme global à l’horizon de 2030 est de 22 000 mégawatts dont 4500 en 2020. Ce programme se fera avec des opérateurs algériens en partenariat avec des étrangers » en martelant « l’Etat n’investira pas » et de poursuivre « ce premier forum a pour objectif d’attirer les entreprises européennes. Ce programme permettra de mettre en place les capacités nécessaires pour produire de telle sorte qu’en 2030, 27% de notre électricité provienne du renouvelable. Les quantités du Gaz peuvent être valorisées par ailleurs par des outils de transformation de la pétrochimie qui permettent de créer un peu plus de valeur au niveau national ». Revenant sur le choix du vieux continent, le ministre a affirmé que « l’intérêt de ce partenariat est la proximité géographique de l’Algérie avec l’Europe, en outre l’Europe a toujours reconnu que l’Algérie est un fournisseur fiable il est temps qu’on passe de simples relations commerciales à des relations stratégiques pour partager les chaines de valeur tout au long du processus et non pas avoir d’un côté des producteurs et de l’autre des transformateurs de cette matière première ». S’agissant de la compétitivité des énergies renouvelables avec les énergies classiques, Mr Khebri a estimé qu’ « Il est connu que dans cette période où le prix de l’énergie renouvelable est plus faible, malgré le développement technologique, elle se vend encore plus cher sauf que les ENR sont inépuisables. Dans tous les pays qui ont mis en place l’énergie renouvelable, une caisse a été créée pour subventionner le différentiel. Dans ce cadre-là nous disposons d’un cadre réglementaire qui permet à l’Etat de garantir l’achat du renouvelable à un prix qui permet de couvrir l’ensemble des charges et rémunérer l’investissement à un taux raisonnable sur une période de 20 ans. Donc la production est garantie et aura la priorité sur le réseau. Elle permet de dégager des quantités équivalentes en Gaz qui peuvent utilisées ou revaloriser ». Et de conclure que « notre priorité est de développer toute la base industrielle qui vient en amont. Fabriquer les équipements et les accessoires nécessaires au niveau national en partenariat et demain on pourra développer encore une production supplémentaire pour l’exporter vers au moins le Sud de l’Europe. Cela a l’avantage de créer beaucoup d’emplois et d’apporter de la valeur ajoutée. C’est ce qui nous intéresse en premier lieu et non pas la réalisation des unités avec des équipements importés ».
Fatma Haouari