Dans cet entretien, l’expert financier MEl Besseghi s’exprime sur certains sujets qui dominent l’actualité du secteur financier comme le lancement de l’emprunt obligataire. Sur cette question, il estime que les petits souscripteurs ne vont pas se bousculer au portillon de cet emprunt obligataire. Il s’agira plutôt, selon lui, de mobiliser des gros moyens pour instaurer un climat de confiance entre les institutions bancaires et les citoyens, entre l’Etat et le citoyen.
Algérie-Eco : L’emprunt obligataire a été lancé le 17 avril dernier. Quel bilan faite-vous de cette opération jusque là?
MEl Besseghi : Il est trop tôt pour tirer un bilan précis. Mais, au cours de ces quatre premières semaines, force est de reconnaitre que les centres de souscriptions ou points de ventes, n’ont pas drainé des foules. Tous les moyens ont été mobilisés pour la réussite de cette opération mais il y a beaucoup plus de promesses que de souscriptions réelles, jusque là.
En effet, à la lecture des déclarations des différents responsables des banques dans la presse écrite, l’accueil est plutôt froid, comme si les souscripteurs potentiels sont dans une position d’attente ce qui laisse planer des doutes quant à ses résultats.
L’introduction de nouveaux titres de dix mille dinars pour les petits souscripteurs et de un million de dinars pour les gros épargnants n’ajoutera pas un effet d’emballement supplémentaire. Tout comme la multiplication des points de ventes et les facilitations accordées ne sont pas de nature à contribuer à augmenter l’attractivité des souscripteurs.
Il s’agira plutôt de mobiliser des gros moyens pour instaurer un climat de confiance entre les institutions bancaires et les citoyens, entre l’Etat et le citoyen.
On verra dans les prochaines semaines, le comportement des gros épargnants potentiels qui sont obligés de suivre certaines démarches administratives pour souscrire des obligations. Je pense à ce niveau, aux entreprises qui disposent de trésorerie excédentaire. Elles ne sont pas nombreuses dans le secteur public et dans le secteur privé, il existe des potentialités mais qui se heurtent toujours au problème de la relation de confiance. L’argument consistant à dire que cet argent financera des projets structurants ou qu’il permettra de financer la croissance ne semblent pas attirer les souscripteurs potentiels.
Par contre, je ne pense pas que les petits souscripteurs se bousculeront au portillon de cet emprunt obligataire. Le pouvoir d’achat a été mis à rude épreuve ces derniers mois, ce qui laisse une marge d’épargne très faible pour les citoyens. Le bas de laine des ménages a été utilisé pour rétablir le déséquilibre entre un pouvoir d’achat fortement érodé par la dérive du dinar par rapport aux principales devises utilisées pour les achats de biens de consommation.
L’opération a été élargie aux compagnies d’assurance qu’en pensez-vous?
Oui l’appui des agences des compagnies d’assurances pour céder les titres relatifs à cet emprunt national a été décidé pour faire passer le nombre de centres de sousriptions à 6.000. Voici qu’à coté des agences bancaires, les bureaux de poste et les guichets de la banque d’Algérie, les agences des compagnies d’assurances cèderont les titres relatifs à cet emprunt.
Mais ce n’est pas en augmentant le nombre de centres de souscriptions que l’on peut accroitre la collecte d’un maximum de fonds.
Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a demandé dernièrement aux agences bancaires implantées au niveau local d’améliorer leur rendement au lieu d’être des centres de dépenses. Est-ce possible à votre avis?
On a dit souvent, que les banques en Algérie sont plutôt des grandes caisses et qu’elles se positionnent en tant que centre de dépenses au lieu d’un acteur réel et effectif du marché financier.
Avec une densité de 31.900 habitants en moyenne par agence, la couverture en Algérie est faible alors que ce ratio est de 5.778 au Maroc et de 7.700 habitants en Tunisie.
Il faut ajouter à cela une mauvaise répartition territoriale de ces 1254 agences bancaires.
Les stratégies pour améliorer la bancarisation doivent passer par le renforcement des réseaux afin d’évoluer vers un taux de bancarisation nettement meilleur.
Ce renforcement serait vain s’il n’est pas accompagné par une diversification des produits proposés.
Ainsi, malgré les réformes engagées ces dernières années, le secteur bancaire en Algérie demeure «isolé» de son environnement. Le faible taux de bancarisation en Algérie s’explique par la méfiance et le manque de confiance envers le système bancaire.
Ni la bancarisation de l’argent de l’informel- opération dénommée « mise en conformité fiscale volontaire », lancée en août 2015-, ni l’obligation de l’utilisation de chèque à partir d’un million de dinars, introduite par la loi de finances complémentaire 2015, ni le crédit à la consommation, ni encore l’emprunt obligataire, n’ont permis jusqu’ici de lancer le débat sur la réforme du système bancaire algérien, estiment certains analystes.
Êtes-vous de cet avis?
Les opérations lancées pour drainer l’argent de l’informel et les mécanismes mis en place pour la bancarisation de l’argent du secteur informel ne sont pas suffisamment incitatif pour convaincre les détenteurs à y adhérer et venir se conformer à la réglementation. C‘est le cas de la déclaration fiscale volontaire dont l’échéance a été fixé au 31/12/2016 et qui n’a donné les résultats souhaités jusque là.
Mais je pense que ces écueils vont certainement mettre à nu les dysfonctionnements et relancer un véritable débat sur la réforme bancaire qui a commencé dans les années quatre vingt dix et qui est loin d’être achevée.
Entretien réalisé par Imène A.