Dans cet entretien, l’ex directeur général d’Algex, Mohamed Bénini, s’exprime sur l’initiative prises par le gouvernement afin de faire face au déficit des recettes, celle qui concerne le lancement de l’emprunt obligataire. Pour MBénini, c’est une bonne initiative, pourvu qu’elle aboutisse en rétablissant la confiance des citoyens. Il s’exprime également sur un sujet qui le tient toujours à cœur celui des exportations hors hydrocarbures. Selon lui, sans une vraie stratégie, on ne peut parler aujourd’hui de développement de ce secteur.
Algérie-Eco : L’opération de l’emprunt obligataire est lancée en grande pompe et a même été élargie dernièrement aux compagnies d’assurance. Quelle réaction faites-vous à ce sujet ?
M. Bénini : Cette opération se pratique dans la majorité des pays du monde, pour moi c’est une bonne formule afin que l’Etat améliore ses recettes. Mais faudra t-il encore regagner la confiance des citoyens car pour réussir une telle opération, qui implique même le simple citoyen il faudrait réussir à l’attirer par tous les moyens. C’est vrai que le taux d’intérêt est intéressant et ça pourrait être positif à condition que l’inflation ne grimpe pas, si non, l’emprunteur va perdre plutôt que de gagner. Mais il faut reconnaître que l’idée de l’emprunt obligataire est une manière d’épargne qui peut aider l’Etat dans ces projets d’investissement, on parle ici de petit et moyen projet.
Pensez-vous qu’avec cette opération, l’Etat pourrait éviter le recours à l’endettement extérieur ?
Non, absolument pas. Il y a de grands projets dans divers secteurs qui nécessitent de grosse sommes d’argents comme c’est le cas pour Sonatrach. Donc il serait, à mon avis, impossible d’éviter ce genre d’endettement. Sonelgaz aussi envisage de recourir aux marchés internationaux pour réaliser ses projets d’investissements, d’une valeur de plus de 9 milliards. C’est pour cela que j’ai dis auparavant qu’il faut rétablir la confiance même pour les étrangers afin de les convaincre d’emprunter à notre pays. Parce qu’aujourd’hui, on dit qu’on ne prête qu’aux riches, étant sûr que ces derniers puissent rembourser leurs dettes.
Beaucoup de choses se disent ces derniers temps sur le développement des exportations hors hydrocarbures. Mais que ce passe t-il réellement dans ce secteur?
Ce qui se fait aujourd’hui pour ce secteur, rien. Beaucoup de chose comme vous le dites sont annoncées mais rien ne se fait sur le terrain. Je m’aligne aux dernières déclarations du ministre du Commerce. L’environnement des affaires est catastrophique en Algérie qu’on le veuille ou non. Tous les indicateurs sont au rouge ce qui empêche le développement des exportations dans l’immédiat. Je l’ai dit et je le répète, la conjoncture actuelle, caractérisée par une réduction drastique des recettes des exportations d’hydrocarbures, n’a pas eu d’impact direct sur nos exportations hors hydrocarbures qui demeurent à un faible niveau, autour de 2,5 milliards de dollars/an. Les raisons sont multiples dues surtout à la faiblesse en volume et en qualité des productions nationales, mais également au caractère dissuasif de l’environnement général du processus d’exportation en Algérie sans oublier la prégnance de l’informel dans les opérations commerciales, la concurrence déloyale sur les produits nationaux par les importations et les pratiques informelles, et l’absence de traçabilité et de normes sur le marché local. Je dirai surtout l’absence d’une stratégie dans le secteur qui a besoin de tous les acteurs comme les banques, les transports, le ministère des finances les douanes etc…malheureusement, il n’ya pas encore de stratégie de développement des exportations hors hydrocarbures. Depuis 2004, on a préparé un projet de stratégie qui n’a jamais été abouti.