La gestion des déchets spéciaux notamment industriels, considérée auparavant comme une préoccupation purement environnementale prise en charge par l’Etat, commence à être organisée en filières économiques rentables.
Suite à l’entrée en vigueur de la loi relative à la gestion et à l’élimination des déchets en 2001, une quinzaine de textes d’application et un Plan national de gestion des déchets spéciaux (Pnagdes) ont été mis en place pour organiser la collecte, le transport et le traitement de ces déchets issus principalement des activités industrielles, explique à l’APS le directeur de la politique environnementale industrielle au ministère des Ressources en eau et de l’environnement, Karim Baba.
Mais dans le Pnagdes, qui est en cours de révision, les efforts de ce ministère se sont focalisés sur l’urgence de la prise en charge du passif stocké des déchets: « Notre objectif, à l’époque, était de résorber et de prendre en charge toutes les quantités stockées par les industriels, comme les pesticides et les produits pharmaceutiques périmés. Ce qui a permis de réduire de 10% annuellement les stocks générés », note-t-il.
Après la résorption de ces stocks durant plusieurs années, à travers l’incinération ou l’exportation, le ministère chargé de l’environnement vise, désormais, la création d’un ensemble de filières de traitement et de valorisation des déchets industriels, fait savoir le même responsable.
C’est dans cet objectif qu’un autre Pnagdes est en cours d’élaboration pour donner une vision économique à la gestion des déchets et inciter les industriels à investir dans ce créneau.
« Dans la deuxième étape, nous allons passer à la valorisation et au traitement des déchets à la source, qui sont des activités à fort potentiel et créatrices de richesses. Notre politique actuelle s’inscrit dans le cadre de l’économie circulaire où un déchet peut devenir une matière première pour un autre produit », soutient-il.
Pneus, huiles industrielles, batteries: 300.000 t de déchets/an
Près de 300.000 tonnes de déchets spéciaux sont générées annuellement, soit un potentiel important à exploiter, selon M. Baba qui cite les pneus, huiles, piles et batteries usagés ainsi que les déchets des équipements électriques et électroniques.
Le développement de ces activités peut même contribuer à augmenter les exportations hors hydrocarbures, selon lui en citant l’exemple des batteries qui peuvent être valorisées pour obtenir du plastique et du plomb, deux produits côtés dans les bourses mondiales.
Une douzaine d’unités industrielles activent déjà dans le recyclage des batteries pour une éventuelle exportation, selon lui.
Concernant les huiles usagées, Naftal ainsi qu’une dizaine d’opérateurs privés activent dans leur collecte et les exportent vers le Danemark et la Grèce, deux pays qui possèdent des unités de régénération de ces produits pour les mettre une deuxième fois sur les marchés.
« Il y a cinq opérateurs qui sont même intéressés par la régénération de ces huiles en Algérie et attendent les agréments du ministère de l’Energie », fait savoir M. Baba.
Le recyclage des pneus usagés n’est pas en reste: « Un marché plus que porteur », promet-il en indiquant que les cinq entreprises privées activant dans ce domaine réalisent des tapis de routes et d’autoroutes ainsi que du granulat.
Mais pour la valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques, l’activité se limite actuellement au stade de la collecte en raison de l’absence d’une réglementation claire qui organise cette filière.
A cet effet, le ministère des Ressources en eau et de l’environnement prépare actuellement un décret sur la gestion de cette catégorie de déchets.
A ce propos, le même responsable souligne que plusieurs demandes ont été formulées par des entreprises américaines, françaises et sud-africaines qui veulent réaliser des pôles industriels dans le recyclage du matériel informatique.
Accompagner les investisseurs pour la valorisation des déchets
Les déchets industriels peuvent aussi être utilisés comme une source d’énergie électrique et pour produire la chaleur dans les cimenteries à travers un procédé appelé « co-incinération » ou valorisation énergétique.
Un projet pilote a été réalisé par le même ministère avec le groupe français Lafarge en attendant une deuxième expérience avec le Groupe industriel public des ciments d’Algérie (Gica).
Dans l’objectif de développer ces activités, les pouvoirs publics vont mettre en place, à travers le prochain Pnagdes, des mesures incitatives pour orienter les investissements vers ces filières.
Le ministère œuvre également pour réduire les déchets à la source en introduisant la gestion des déchets en sein de l’entreprise génératrice de ces résidus.
« Notre rôle actuellement est d’inciter les industriels à investir dans ces créneaux à travers la loi, les taxes, les contrats de performance en matière d’environnement ainsi que des projets pilotes qui démontrent à ces investisseurs la faisabilité et les gains économiques de ces investissements », explique-t-il.
Dans ce cadre, les deux ministères chargé, respectivement, de l’environnement et du travail vont établir une nouvelle nomenclature pour intégrer ces nouvelles filières dans les différents dispositifs d’aide à l’emploi des jeunes (Ansej, Cnac et Angem).
La gestion des déchets industriels en quelques chiffres
La gestion des déchets spéciaux, dont les déchets industriels, est encadrée par la loi 01-19 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets. Voici quelques données sur cette activité en Algérie:
– Un marché de 300.000 tonnes/an dont 150.000 tonnes valorisées
– Près de 70 collecteurs de déchets spéciaux tous types confondus
– Une vingtaine d’installations de recyclage et de valorisation
– Impact financier dû à la faiblesse de gestion des déchets: 0,32% du PIB
– Coût des dommages induits par le secteur industriel: 1,5% du PIB
– Création d’un fonds national de l’environnement et de dépollution d’une dotation initiale de 3 milliards DA, alimenté par la fiscalité environnementale.
– Les agences pour accompagner la gestion des déchets spéciaux: Centre national des technologies de production plus propres (CNTPP), Agence nationale des déchets (AND) et Conservatoire national des formations à l’environnement (CNFE).
Source APS