Les réunions de l’OPEP se succèdent et se ressemblent. « Finalement la 167e réunion de l’OPEP fut un non-événement. L’absence d’une entente pour une réduction de la production était prévisible » commente le groupe bancaire français Crédit Agricole dans sa dernière édition hebdomadaire « Perspectives ». Avant toute conférence semestrielle, le Venezuela supplie les autres membres de réduire la production du cartel. L’Iran martèle qu’une fois les sanctions levées, elle produira au maximum de ses capacités, avec des exportations qui pourraient augmenter de 600.000 barils par jour. L’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe répètent qu’ils sont ouverts à une réduction de la production, à condition que tous les producteurs de pétrole participent aux efforts et que cette baisse ne soit pas exclusivement supportée par le royaume wahhabite. « La réalité est qu’aucun pays producteur n’est prêt à réduire sa production » estiment les experts du Crédit Agricole. « Pris dans une fuite en avant, les pays producteurs cherchent à compenser la baisse de revenus conséquente à la chute des prix par une augmentation de la production » affirme le groupe bancaire. Ainsi, la Russie a augmenté sa production de 110.000 barils par jour entre septembre 2014 et septembre 2015. Oman, producteur plus modeste, a lui aussi augmenté sa production de 30.000 barils par jour sur la même période. C’est donc sans réelle surprise que les pays membres de l’OPEP ne sont pas parvenus à définir des quotas individuels de production. L’OPEP s’est limitée à augmenter l’objectif de production avec l’entrée de l’Indonésie, ancien pays membre de l’OPEP qui l’avait quitté en 2008. L’objectif de production global passe de 30 millions de barils par jour à 31,5. Considérant que l’Indonésie produit autour de 800.000 barils par jour, l’OPEP a même augmenté son objectif de production. « Le marché a salué l’immobilisme de l’OPEP par une baisse du prix du pétrole » relève le Crédit Agricole, constatant que le « Dated Brent » a baissé de 2,5 USD par baril entre jeudi 3 décembre et mardi 8 décembre. Il est passé sous la barre des 40 dollars. Le marché a toutefois été moins surpris que l’année dernière. En effet, entre le 26 et 28 novembre 2014, le « Dated Brent » avait perdu 6,5 USD par baril. « On constate que sur les dix premiers mois de 2015, la surproduction de l’OPEP n’est que de 1,3 million de barils par jour, soit presqu’autant qu’en 2009. En considérant une augmentation des productions irakienne et iranienne (en cas de levée de sanctions) de 0,3 et 0,6 million de barils par jour respectivement, et en ajoutant la production indonésienne, on devrait aboutir à une production de l’OPEP en 2016 de 33 millions de barils par jour. C’est 1,5 million de barils au-dessus du nouvel objectif pour 2016. C’est un excédent assez cohérent par rapport aux excédents historiques. Finalement donc, le prix du pétrole et la santé financière des sociétés pétrolières et parapétrolières dépendent davantage de la baisse de la production de pétrole aux États-Unis et de la demande mondiale attendues pour 2016 » commente le groupe bancaire français.
Les producteurs pourraient espérer un début de remontée des prix en 2017
Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques (SPE) a animé, avec Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes et expert dans les domaines de l’énergie et de l’industrie, une conférence sous le thème « la crise pétrolière 2014, Une crise à cycle long ? Opportunité ou menace pour les pays exportateurs d’hydrocarbures » organisée par la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française. L’expert pétrolier prévoit une mauvaise année 2016 pour les producteurs de pétrole. «A partir de 2017, les producteurs pourraient espérer un début de remontée des prix » a-t-il estimé « avec beaucoup de prudence ». M. Perrin a indiqué que l’effondrement de 60% des prix du pétrole depuis juin 2014 est dû à une combinaison de plusieurs facteurs. Il s’agit en premier lieu de l’excédent de l’offre pétrolière. Cette surproduction est essentiellement tirée vers le haut par les Etats-Unis et le Canada. Deuxièmement, cette surproduction coïncide avec un ralentissement marqué de la consommation mondiale, suite au ralentissement constaté de l’économie mondiale, et en particulier de l’économie chinoise. Le troisième élément explicatif de l’effondrement des prix est le comportement des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. L’Opep a fait le choix de ne pas défendre les prix mais plutôt ses parts de marché. L’organisation estime que les bas prix du pétrole conduiront à un rééquilibrage du marché. L’autre élément qui pousse les prix à la baisse, le retour de l’Iran sur le marché, après la levée des sanctions.
L’Algérie fait preuve, pour le moment, d’une résilience
Les facteurs qui ont déclenché la crise sont toujours là estime pour sa part Mustapaha Mekidèche et ils risquent de s’aggraver. L’Arabie Saoudite continue de « maintenir la production et des prix bas », malgré un déficit budgétaire historique. L’Iran revendique sa part de marché avec la fin de l’embargo. Concernant la demande, l’Inde ne peut pas se substituer au recul de la Chine pour le moment, la croissance passable des USA est neutralisée par son autosuffisance énergétique. La croissance mondiale en 2015 et 2016 sera, toujours atone. L’appel à l’offre OPEP par le marché mondial stagnera en 2016. A court terme, M. Mekidèche évoque deux scénarios. Un optimiste avec un prix compris entre 50 dollars et 60 dollars le baril et autre pessimiste avec un prix entre 40 dollars et 50 dollars le baril. Il faudra attendre pour voir le prix du baril remonté à 80 dollars, « seulement sous l’effet du recul des l’investissement des grands groupes pétroliers (20% annuel).
Tous les pays producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz sont impactés par la baisse des prix. « L’Algérie est la moins fragile des pays les plus fragiles : Venezuela, Nigéria et Angola » estime Mustapaha Mekidèche. L’Algérie fait preuve, pour le moment, d’une résilience dans un cadre financier et sécuritaire contraint. Néanmoins l’économiste souligne « des fragilités certaines à réduire par des réformes structurelles, à commencer par fermer les robinets de rente et remettre à plat la politique des subventions ». Selon M. Mekidèche « les équilibres financiers et énergétiques de l’Algérie sont menacés pour deux raisons: croissance forte de la demande énergétique interne qui diminue l’offre exportable, baisse tendancielle des productions et chute persistante des prix des hydrocarbures ».
Kezoul L.